![Dans la boucle du risque et du fantasme - critique du film [Nowe Horyzonty 2021]](https://alchimy.info/wp-content/uploads/2022/02/Dans-la-boucle-du-risque-et-du-fantasme-critique.jpeg)
Fictive/NEOPA/Association Nouveaux Horizons
Dans le sensationnel Conduire ma voiture maestro de la subtilité à l’écran, Ryûsuke HamaguchiIl a parlé de la libération des chaînes du traumatisme émotionnel par l’art. Dans le film Dans la boucle du risque et du fantasmeDans la deuxième production du réalisateur présentée cette année au Festival New Horizons, l’artiste japonais dérive sur un bateau de poétique mélancolique vers une autre forme de catharsis ; cette fois, elle provient directement de la conversation. Cette histoire, divisée en trois novellas différentes, mais complémentaires au niveau le plus profond, est vraiment bizarre : d’une part, son univers minimaliste et extrêmement intime tente de nommer et de capturer des sentiments universels, bien que fugaces. D’autre part, ce travail, enveloppé d’une couverture dialectique, peut être considéré comme une observation perspicace de la frontière entre risque et fantaisie, dont le ton est donné à la fois par le besoin de proximité et les idées suggérées par la discussion. Hamaguchi, héritier artistique Éric Rohmer i John CassavetesAvec une grande précision et une élégance inhérente, il esquisse la surface de la relation complexe et non évidente entre l’homme et l’homme. Il y a beaucoup de coïncidences, et encore plus de dialogues, mais c’est l’arrière-goût doux-amer de chaque novella qui frappe le plus fort. Dans ce film, une danse subtile d’humour, d’émotion et de désir peut vous séduire au plus profond de vous-même, mais seulement si vous réalisez que sous ces couches se cache un noyau de tristesse, de solitude et de nostalgie pour quelque chose qui semble avoir disparu à jamais.
Dans la première histoire, nous rencontrons le mannequin Meiko, qui découvre qu’une collègue qu’elle apprécie sort avec son ex-petit ami – la protagoniste décide de rendre visite à l’homme au bureau. Cette partie du film parle de l’amour qui se cache sous un voile de dialogue, sincère et constamment vivant, qui au cours de longues conversations veut trouver un appui dans une intrigue soigneusement planifiée. Dans la deuxième partie, à mon avis la meilleure du triptyque, nous voyons le monde à travers les yeux de Nao, une femme mariée et mère de famille qui rencontre un professeur qui vient de remporter un important prix littéraire. De façon inattendue pour le spectateur, leur dispute au sujet du livre du professeur se déroule sur un terrain érotique, bien que le véritable objectif de la discussion soit la vengeance de la femme. Le troisième roman se déroule pendant la pandémie de coronavirus. Une catastrophe d’une autre dimension se produit dans le monde de l’écran : le virus informatique a entraîné l’arrêt complet de l’internet et les gens communiquent par lettre et par télégraphe. Natsuko rencontre par hasard une femme qu’elle prend pour une ancienne camarade de classe, celle-là même dont elle est tombée amoureuse autrefois. Les deux personnages ont une longue conversation, au cours de laquelle les mots deviennent une sorte de machine à remonter le temps, permettant de franchir la frontière entre le réel et l’imaginaire.
Sur Dans la boucle du risque et du fantasme est à considérer comme une structure en trois parties dont les composantes individuelles sont les différents éléments d’une même histoire – ce n’est pas une coïncidence si le titre de la production fait référence à un cercle ou à une boucle. S’il y a un lien thématique ici, il faut d’abord le chercher dans la question des hasards de la vie, des émotions atténuées par le temps et la vie quotidienne, et des occasions manquées. La plus grande astuce de Hamaguchi est que ce qui semble à première vue être un conte romantique servi avec un humour discret, s’avère finalement être une variation sur le thème du réalisme magique. Les personnages centraux apparaissent dans des lieux et des situations qui semblent familiers, et les conversations entre les protagonistes séduisent par leur simplicité. Et pourtant, les micro-mondes créés par l’artiste japonais comportent un élément de fantastique, une aura magique qui semble naître du mot. Au rythme d’une narration fluide, Hamaguchi met en valeur la couche de dialogue d’une manière phénoménale, montrant l’inimaginable pouvoir inhérent à la communication humaine. La parole nous permet de créer de nouveaux espaces, d’enchanter la réalité, de faire revivre des sentiments mourants, de devenir le gardien de la mémoire, de créer un moi différent. Le problème est que les mêmes mots peuvent se transformer en une épée à double tranchant et détruire ; parfois, une seule lettre peut peser plus que toute notre vie jusqu’à présent. Le tango du risque et de la fantaisie se poursuit au mieux.
Hamaguchi jongle magistralement avec deux ordres pas toujours identiques à l’écran : le passage des conversations individuelles et le temps de l’action. Sa virtuosité, cependant, se manifeste surtout dans la manière dont il relâche la tension qui s’accumule dans les personnages ; le réalisateur sait parfaitement quand faire exploser la simplicité du message, qui ressemble à un haïku, et le faire de telle manière que le spectateur ne voit aucune trace de cette explosion jusqu’à la toute fin. Des explosions émotionnelles ont eu lieu dans le corps et dans l’esprit, et la parole ici sera soit un transmetteur, soit une arme qui se retournera contre nous. Notez que pratiquement tous les personnages sont plus ou moins liés à la langue. Nous pouvons trouver un correcteur, un écrivain ou des personnes qui réfléchissent à des conversations passées. On dit qu’on ne peut pas revenir en arrière. Toutefois, la situation est différente lorsqu’il s’agit de coïncidence. Celle présentée par Hamaguchi est délicieuse, surtout sur le plan intime. C’est, d’ailleurs, l’ensemble Dans la boucle du risque et du fantasmeUn film éblouissant par sa forme minimaliste, parsemé de cadres baignés de lumière naturelle et de musique douce, se déroulant principalement dans des pièces un peu irréelles, où seule la conversation nous attend. Sur l’amour, le désir, les sentiments refoulés. Vous direz que c’est un cliché, mais vous sentirez quand même dans votre peau que c’est une tentative d’apprivoiser le temps qui passe impassiblement. Avant que son cercle ne se referme, il sera bon de parler avec quelqu’un d’autre… avoir un mot.
J’ai été une fois à Twin Peaks, mais ça aurait pu être aussi bien South Park. Je n’ai pas pleuré pour Mufasa, mais j’ai eu une émotion sacramentelle lorsqu’un certain Diable Gardien a organisé une boucherie dans la cage d’escalier. Il était une fois, en Amérique, je voulais vivre ma propre Odyssée de l’espace. Je marche et je regarde continuellement, à la recherche de petits bouts de beauté. Une grande beauté.
Dans la boucle du risque et du fantasme